En tête des parts de marché, réputé pour sa souplesse et son ouverture, Android souffre toutefois d'un mal qu'iOS ignore, ou ne connaît pas dans les mêmes mesures, le piratage applicatif. Est-ce un mal consubstantiel ? Que peut faire Google ?
C’est entendu Android est appelé à dominer le marché des smartphones. Son omniprésence, ses parts de marché croissantes,
installe sûrement la domination du système d’exploitation mobile de
Google. En termes d’applications présentes sur Google Play, la
plateforme de téléchargement de Google, Android refait son retard sur la
référence du marché, l’App Store, d’Apple. Avec les risques de noyer
l’offre sous la masse des applications proposées.
Piraté à 80%
Pour
autant, ces derniers temps, le principal problème d’Android, ce n’est
pas la visibilité de son offre logicielle, mais plutôt le piratage dont
sont victimes lesdites applications. Dernière manifestation de cette
situation, la prise de position de l’éditeur MadFinger Games, à qui on
doit notamment l’excellent ShadowGun. Le studio indépendant a pris la
décision de rendre gratuit le téléchargement de son jeu Dead Trigger sur Google Play. Pourquoi ? A l’en croire, « la raison principale [de la baisse de prix] est le taux de piratage sur Android. » 80 % des utilisateurs Android de ce jeu, lancé le 1er juin 2012, l’avaient obtenu en le piratant. Pourtant, le titre splendide, graphiquement parlant, ne coûtait que 99 centimes.
La gratuité comme solution au piratage ? Plus exactement le passage du jeu vers le modèle économique du free to play,
où les joueurs peuvent profiter du titre sans rien payer, mais peuvent
également débloquer des armes ou des équipements plus rapidement en
sortant de leur poche quelques centimes d’euro.
Quelle voie économique ?
Pour
autant, cette voie, si elle apporte une réponse circonstancielle au
piratage du jeu d’origine, ne résout pas le danger que représente le
piratage. Pour Matt Gemmell, développeur pour iOS, le « piratage est un symptôme de l’échec à trouver un modèle économique efficace ». Il va même un peu plus loin : Android « est
conçu pour le piratage dès ses fondations. L’existence du piratage
n’est pas une surprise, mais bien plutôt quelque chose d’inévitable. »
Pour lui, si on peut reprocher à iOS
d’être « fermé », sauf à le jailbreaker, c’est cette structure fermée
qui permet de créer un environnement plus sain. « Les gens piratent
les applications Android parce que c’est simple. C’est simple parce que
la plateforme est construite avec l’ouverture en ligne de conduite. » Une vision pragmatique, voire un peu désabusée : « se comporter mal doit être plus dur que de bien se comporter – et bien se comporter signifie payer votre logiciel. » Un matérialisme qu’il frotte à l’essence de la réalité et de sa passion : « Si
vous n’êtes pas dans le milieu des développeurs d’applications mobiles
pour faire de l’argent, super – mes félicitations. C’est votre arrêt.
Descendez. Que votre vie soit belle. Moi, en revanche, je suis dans ce
milieu pour en vivre et faire de l’argent. Je code parce que j’aime ça,
mais le côté business veut qu’on gagne de l’argent. Autrement, ce serait
un hobby. »
La fermeture comme échappatoire ?
Dès
lors quelle solution pour que les développeurs sur Android puissent en
vivre ? La solution publicitaire qui parasite les programmes ? Le
micropaiement, tant qu’aucune parade n’est trouvée pour court-circuiter
les achats depuis les applications, comme cela a été le cas sur iOS récemment ?
Pour Matt Gemmell, on l’aura compris, c’est la fermeture du système, ou
en tout cas, la création d’un store exclusif, officiel et unique pour
les appareils sous Android.
Si Google n’a pas encore ou ne va pas
faire ce choix, il essaie en tout cas de « sécuriser » son magasin
d’applications. En début d’année, il renforçait ses mesures de sécurité.
Le géant de Mountain View a également créé les Super Développeurs, un
statut de confiance, basé sur trois critères principaux (avoir une
application téléchargée plus de 250 000 fois, qui ne soit pas trop
boguée, soit bien conçue, et notée 4 ou plus dans Google Play). Pour
autant, sécuriser n’est pas rendre incontournable.
Raffermir les positions
Si Tim Cook, lors de sa keynote d’ouverture du WWDC 2012,
ouvrait les hostilités en annonçant qu’Apple comptait 400 millions de
comptes iTunes avec carte de crédit, ce n’est pas un hasard. Cela
signifie qu’un développeur qui met son application sur l’App Store
touche potentiellement 400 millions de clients, qui, d’une tape sur leur
écran, peuvent acheter l’application, qu’elle coûte 0,99 euro,
2,99 euros, 14,99 euros ou plus. Google n’a pas ce trésor de guerre. Une
simple adresse Gmail suffit pour se créer un compte sur le Store.
On pourrait aussi ergoter sur le fait
qu’Apple a su, dès le départ, jouer du prix psychologique en fixant les
tarifs pratiqués sur son App Store. Etrangement, savoir qu’Apple définit
une grille et que le développeur choisit ensuite où placer son
application, cadre davantage les choses, rassure l’utilisateur et lui
donne une impression d’homogénéité.
Google a forcément des idées pour
raffermir le microcosme créé autour d’Android. Sa volonté de définir une
norme matérielle, comme le révélait le Wall Street Journal
en mai dernier, en est un exemple. Mais il faut qu’il fasse vite, car
tant qu’une application pourra facilement être piratée par 80 % de ses
utilisateurs, les développeurs auront toujours une réticence à accorder à
Android toute leur attention. Or, comme dit le slogan, « il y a une application pour tout », même pour définitivement asseoir son succès.
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